New-York, la SMART CITY : L’intelligence POST-11 Septembre – Magazine Vertical
2022-03-07

Rencontre avec Erik Verboon, cofondateur et directeur général du bureau new yorkais Walter P Moore

Depuis 1931, Walter P Moore relève les challenges des structures complexes pour des bâtiments et des clients dans le monde entier. En 2021, l’un de ses projets, la Bank of America Tower de Houston, a été désigné lauréat national de l’excellence en ingénierie et est le bâtiment le mieux noté au monde certifié Leed v4 Core et Shell Platinum. À New York, Walter P Moore participe à de nombreux projets emblématiques.

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Vertical Magazine : Vingt ans après le 11 Septembre, comment construit-on à New York ?

Erik Verboon : Les événements du 11 septembre ont eu un impact important sur la conception des bâtiments, non seulement à New York mais aussi dans tout le pays. Les enseignements qui en ont été tirés ont conduit à actualiser les codes de conception afin d’en améliorer à la fois la sécurité et la sûreté. En parallèle, le gouvernement des États-Unis a mis en place des programmes directement inspirés par ces évènements, tels que le Department of Homeland Security SAFETY Act, pour inciter les organismes privés à développer et à déployer des technologies antiterroristes dans leurs installations.

Étiez-vous à NYC le jour de cette tragédie ? Pouvez-vous nous dire en quelques mots ce que vous avez ressenti ?

Erik Verboon : À l’époque, j’étais encore à l’université ; je me souviens que j’en ai suivi le déroulement depuis chez moi, dans l’Ohio, avec ma famille. Comme beaucoup de monde certainement, j’ai ressenti de multiples émotions : incrédulité, tristesse, peur, colère. Tout jeune, lorsque j’habitais le New Jersey, nous allions fréquemment à Manhattan et j’ai souvent visité les tours jumelles ; j’ai tenté d’imaginer ce que les habitants de la ville pouvaient ressentir à ce moment-là. Ce jour-là, en roulant vers le nord pour rendre visite à des amis à Columbus, dans l’Ohio, nous avons croisé des dizaines de voitures filant à toute allure sur l’autoroute avec des panneaux à l’arrière indiquant qu’elles allaient à New York ; je me souviens de la tristesse ressentie à l’idée que ces personnes avaient peut-être des amis ou de la famille qui avaient pu être touchés.

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Quel a été l’impact de cette tragédie sur la réglementation de la construction à New York ?

Erik Verboon : Les rapports médico-légaux du 11-Septembre ont contribué à l’apport d’un certain nombre d’améliorations au Code international de la construction (CIB). Des dizaines de modifications ont été opérées en matière de sécurité et de sûreté. Il s’agit notamment de mesures visant à faciliter l’évacuation des occupants et l’accès des intervenants, la protection et la prévention contre les explosions et les impacts, l’énergie de secours en cas de panne électrique…

Il semblerait que depuis le 11 Septembre, on n’a jamais autant construit de bâtiments de très grande hauteur dans le monde, et à New York. Comment l’expliquez-vous ?

Erik Verboon : Si le 11 Septembre a pu marquer une pause dans la construction des grandes tours, elle a été de courte durée. La confiance retrouvée dans l’occupation des grandes tours provient en grande partie d’un regain de confiance dans l’ingénierie et des modifications du code de la construction en termes de sécurité. De plus, les promoteurs se sont rendu compte que, en même temps que le confort de vie à Manhattan augmentait, l’appréhension à occuper des gratte-ciels du fait de leur association aux tours jumelles diminuait. Ils ont profité de la croissance économique et des investissements étrangers pour exploiter le code de zonage local et construire ces grandes tours.

Comment le 11-Septembre a-t-il influencé votre pratique en tant qu’ingénieur ?

Erik Verboon : Nous avons dû aborder la conception de la structure et de l’enveloppe de certains projets sous un nouvel angle, en nous concentrant sur la capacité des systèmes à améliorer la résilience et la sécurité des occupants. La résistance aux impacts et aux explosions, l’effondrement progressif et le confortement (building hardening) des bâtiments font désormais partie du vocabulaire de nombre de nos projets. En raison des nombreuses politiques de sécurité et de sûreté mises en place suite aux attentats du 11-Septembre et à d’autres attaques visant des bâtiments, les équipes de Walter P Moore chargées de la conception sécurisée et de l’ingénierie de l’enveloppe ont participé à un nombre croissant de projets à New York et sur tout le territoire. Notre participation a consisté à évaluer des menaces sur les projets, à conseiller les clients concernant le Safety Act et à fournir des solutions techniques aux équipes de conception et aux façadiers.

En tant qu’expert en bâtiments complexes, comment pensez-vous que New York puisse concilier concrètement les réalités d’une ville verticale, de bâtiments durables et d’une ville intelligente ?

Erik Verboon : Construire vertical est vraiment la seule option à New York et dans beaucoup d’autres villes à forte densité et foncier limité. Ce type de bâtiments est extrêmement gourmand en ressources, à la construction et tout au long de leur vie. En tant que concepteurs et ingénieurs soucieux de préserver l’environnement, le défi est donc de faire en sorte qu’ils puissent durer aussi longtemps que possible en s’adaptant à l’évolution des occupants, des usages et des normes de durabilité. La Ville elle-même a pris conscience du poids des grands bâtiments en termes énergétique et d’empreinte carbone ; elle a récemment édicté une loi sur la mobilisation climatique (Climate Mobilization Act) pour faire respecter la durabilité et, plus précisément, avec la LL97 (Local Law 97, loi locale promulguée en 2019 dans le cadre du Climate Mobilization Act), pour plafonner les émissions de gaz à effet de serre, risques d’amendes à l’appui (sur tous les bâtiments de plus de 25 000 sqft/2360 m2, soit plus de 50 000 bâtiments résidentiels et commerciaux). Ces initiatives vont avoir un impact majeur sur la manière dont nous concevons les bâtiments, dont nous analysons et anticipons leurs performances, dont nous les construisons et dont nous validons finalement leurs performances. Concevoir un bâtiment à haute performance sur papier et dans des modèles d’analyse ne suffira plus. Dans le monde des façades, les systèmes que nous installons devront prendre en compte une multiplicité de facteurs environnementaux. Ils devront apporter des réponses dynamiques à ces problèmes dynamiques. Et ces solutions dynamiques devront intégrer non seulement les facteurs climatiques tels que la pression du vent, la température, l’ensoleillement ou l’élévation du niveau de la mer, mais aussi ceux touchant à la sécurité, aux données et à l’évolutivité des bâtiments.

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Quel(s) projet(s) accompagnés par Walter P Moore sont emblématiques de cette nouvelle approche du bâtiment et de la ville intelligente ?

Erik Verboon : Notre équipe a été impliquée dans la requalification du 111 Wall Street, avec Nightingale Properties et Wafra Capital Partners, et Studios Architecture à la conception. Ce projet de 25 étages et de 1,2 million de pieds carrés (111 000 m2) est le premier bâtiment de la ville et le plus grand de l’État à utiliser le financement C-PACE (Commercial Property Assessed Clean Energy) pour financer les coûts initiaux associés à l’amélioration de l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables. Notre équipe a été engagée pour apporter ses services en ingénierie de l’enveloppe et son conseil en matière d’inondation afin de trouver des solutions intelligentes et efficaces aux défis rencontrés lors de l’ouragan Sandy (qui a ravagé New York en octobre 2012). Nous avons commencé par une étude visant à déterminer les scénarios potentiels d’amélioration, de mise à niveau ou de remplacement du système de façade, pour finalement aboutir au remplacement complet du mur-rideau. En travaillant avec Wicona, nous avons trouvé une solution haute performance qui répond également à des contraintes de zonage qui rendaient impossibles l’utilisation d’un système conventionnel. Cette solution met en œuvre un système dont la performance thermique est optimisée naturellement, de par l’orientation de l’ossature. En outre, le nouveau système de façade utilisera la toute dernière technologie de vitrage intelligent : un vitrage électrochrome dont le pilotage, grâce à l’intelligence artificielle, permet d’optimiser les bénéfices de la lumière naturelle et les vues vers l’extérieur tout en minimisant les gains de chaleur et l’éblouissement.

 

Photos : © Getty Images, Lavoro Aza Int

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