Interview de Thierry Laquitaine, Président de l'association Circolab - Magazine Vertical
2021-10-26

Interview de Thierry Laquitaine, Président de l'association CircoLab

Réunis au sein de l’association CircoLab, des acteurs de l’immobilier engagés dans la promotion de l’économie circulaire lancent le premier label réemploi du secteur du bâtiment. Quels en sont les enjeux et les traductions concrètes ? Rencontre avec son président, Thierry Laquitaine.

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Vertical Magazine : Quelle est la spécificité de CircoLab dans le paysage des acteurs de l’économie circulaire dans le bâtiment ?

Thierry Laquitaine : L’approche de CircoLab est unique du fait de son orientation Maîtres d’ouvrage et de son ouverture à l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur immobilière. L’association est issue de la rencontre, en 2016, d’acteurs de l’immobilier mobilisés sur la question du réemploi des matériaux du bâtiment dans une perspective d’économie circulaire. Porté par onze membres fondateurs*, cet engagement s’est formalisé fin 2017 par une charte et matérialisé le 1er janvier 2018 par la création officielle de l’association.

Aujourd’hui, CircoLab fédère plus de soixante-dix membres et partenaires : maîtres d’ouvrage publics et privés, architectes, bureaux d’études et de contrôle, assistants à maîtrise d’ouvrage, fournisseurs de matériaux de construction, entreprises de BTP, assureurs, experts immobiliers…  Le label d’évaluation des démarches de réemploi des matériaux est issu de deux ans de travaux collaboratifs menés par ses membres.

De quel constat est né le label ?

Thierry Laquitaine : Le réemploi des matériaux est un point crucial dans la valorisation et la préservation des ressources. En France, le bâtiment consomme plus de 50% des matières extraites. Or les stocks se raréfient et ceux qui restent à découvrir sont moins accessibles. Plus de la moitié des matières premières critiques recensées par l’union européenne concerne le bâtiment – soit une quinzaine. Cela augure, dans le meilleur des cas, d’une augmentation flagrante des coûts de la construction et, dans le pire des cas, de la disparition des stocks. Avec deux alternatives : la mise en place de solutions techniques de substitution et l’urban mining, c’est-à-dire la réutilisation des matériaux manufacturés.

L’amont de la construction du bâtiment est beaucoup plus impactant que son exploitation ; avant de réceptionner un projet, il a déjà produit dans certains cas plus de 60% des émissions de GES qu’il émettra sur les cinquante années de son cycle de vie ; il en va de même pour la consommation énergétique. Or, l’exploitation est pour l’instant la seule visée par les réglementations thermiques.

 

Pourtant, la réglementation évolue…

Thierry Laquitaine : La RE2020, avec l’introduction de l’outil qu’est l’ACV, va enfin faire entrer l’impact des matériaux sur les émissions de GES dans le radar des bureaux d’études. Mais la réglementation doit évoluer sur de nombreux autres points. Par exemple, il n’est pas admissible que, dès lors que vous déposez les composants d’un immeuble et que vous les évacuez du chantier, ils deviennent des déchets ; de même s’agissant des seuils d’intégration dans le béton des granulats issus de la démolition.

Depuis janvier 2020, la loi sur la Transition énergétique oblige à valoriser 70% des matériaux issus d’une démolition. Or, notamment, le diagnostic déchets tel qu’il existe actuellement n’adresse pas correctement la question des matériaux valorisables dans un bâtiment.

Pour autant, la réglementation n’est qu’une donnée de l’équation. Faire de l’économie circulaire – et appliquer les réglementations – nécessite de faire collaborer les acteurs entre eux. L’une des actions de CircoLab est de travailler de manière collaborative sur tous ces points avec les acteurs concernés, pouvoir publics compris, et de bâtir des propositions.

 

À qui s’adresse le label ?

Thierry Laquitaine: Le label CircoLab pour le réemploi guide tous ceux qui souhaitent engager une démarche et incite ceux qui le sont déjà à sortir de l’auto proclamation. Il s’appuie sur des outils construits avec des experts de l’économie circulaire et la collaboration des assureurs, du CSTB et des bureaux de contrôle. Il peut être porté par un maître d’ouvrage, un maître d’œuvre ou une entreprise partie-prenante du projet, toutes typologies confondues, en neuf comme en rénovation lourde ou légère.

Le référentiel prend les acteurs par la main, étape par étape, du début à la fin du projet. Il permet d’objectiver et de professionnaliser la démarche, quitte à lever certaines idées reçues. Par exemple, le réemploi n’est pas toujours vertueux en termes d’impact, notamment quant à l’empreinte carbone du matériau, comme nous avons pu le constater pour certains projets.

Un label est une bonne façon de créer de l’intérêt et de l’émulation autour d’un sujet, y compris pour les non sachants. Pour les investisseurs et les asset managers, c’est un signe extérieur de qualité, un « diplôme » du bâtiment reconnu par un tiers, donc incontestable.

 

Est-ce un moyen de valoriser le bâtiment circulaire au sens sonnant et trébuchant ?

Thierry Laquitaine : Pour certains, probablement. Un de nos groupes de travail étudie cette question de la survaleur du bâtiment circulaire. Pour l’instant, le label Circolab est un signal envoyé au marché.

 

Le label et l’association elle-même ont-ils des cousins en Europe avec qui il serait pertinent de mutualiser les travaux ?

Thierry Laquitaine Les pays du Nord, en particulier les Pays-Bas et la Belgique, sont plus avancés et structurés que la France sur la question de l’économie circulaire dans la construction.  Mais, à ma connaissance, ce label est le premier en Europe concernant le réemploi des matériaux dans le bâtiment.

Une mutualisation européenne a du sens surtout sur le plan réglementaire, et, à ce titre, CircoLab est partenaire de plusieurs organisations généralistes. Mais sur le plan opérationnel, l’économie circulaire appliquée à l’immobilier est nécessairement une question d’ordre local ; en France, elle s’appuie sur des écosystèmes régionaux.

* AEW Ciloger, Allianz Real Estate, AXA Investment Managers-Real Assets, Bureau Véritas, Covea, Deloitte Finance, Generali Real Estate French Branch, Groupama Immobilier, Karine Jevelot Architecte, TAJ, Vinci Construction France.

 

LABEL CIRCOLAB® RÉEMPLOI - L’ÉVALUATION EN 5 POINTS CLÉS

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DES RESSOURCES ET DES OUTILS OPÉRATIONNELS

Une dizaine de groupes de travail œuvrent au sein de l’association sur des questions touchant aux aspects juridiques, assurantiels, fiscaux, aux indicateurs environnementaux et socio-économiques, à l’upcyclage, au rôle des fabricants, à la traçabilité des matériaux de réemploi, à l’exploitation du bâtiment, au BIM, aux retours d’expérience… Actuellement, une vingtaine d’opérations pilotes expérimentent les travaux conduits par l’association.

Avant le label Réemploi, ces travaux collaboratifs ont permis de produire des ressources et des outils, disponibles en accès libre ou réservés aux membres. Parmi eux : un guide méthodologique validé par le CSTB et la FFA, un clausier pour les maîtres d’ouvrage ou, encore, un référentiel technique du diagnostic.

Photos : ©Circolab

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