Grand Paris vers une urbanité plus résiliente - Magazine Vertical
2020-09-02

Avec ses 200 km de lignes automatisées et ses 68 gares, le Grand Paris Express s’inscrit dans une vision de croissance soutenable d’une métropole plus dense et plus résiliente. Partie prenante en tant qu’agence d’architecture interdisciplinaire filiale de SCNF Gares & Connexions, AREP intervient à la fois sur la conception de certaines gares, sur leur signalétique et sur les études urbaines de quartiers desservis.

Interview de François PRADILLON, Architecte et Directeur des relations institutionnelles à l'agence AREP

VERTICAL : En quoi la vision d’AREP rejoint-elle celle du Grand Paris et du Grand Paris Express ?

François PRADILLON : Le Grand Paris Express est représentatif des grands enjeux suscités par l’essor exponentiel des métropoles, en l’occurrence, pour ce qui touche aux expertises d’AREP, ceux liés aux effets négatifs directs et indirects de la congestion automobile et à l’impératif d’une croissance soutenable.
Historiquement, les transports en Île-de-France ont accompagné un développement urbain assez monolithique par grandes fonctions. Pour le dire vite : les logements à l’est, les industries au nord, l’avitaillement des marchés alimentaires et les territoires “servants” au sud, et les quartiers d’affaires à l’ouest. Bien souvent, l’intervention sur les mobilités vient réparer des problématiques d’aménagement antérieures. C’est le cas pour le GPE. Les infrastructures prévues dans le cadre du Grand Paris viennent réparer les cicatrices d’opérations d’aménagement qui se sont fait jour en Île-de-France depuis l’après-guerre, avec un étalement urbain qui a généré de grandes inégalités d’accès à l’emploi, à la culture…, bref, à l’urbanité, à ce qui fait ville et ce qui fait sens.
L’une des vertus du GPE est de viser un rééquilibrage des fonctions urbaines autour de la proche couronne. Cela changera fondamentalement la perception et la cartographie des territoires d’attractivité de l’Île de-France. Et c’est intimement lié à la vertu première du projet, qui est d’accélérer la transition écologique.
En tant que mode de transport décarboné, le métro automatique va permettre de relier les grandes fonctions de la proche couronne et de résorber la continuité de l’étalement urbain qui a produit les autoroutes pour aboutir à un bilan absurde en termes de soutenabilité : certes on va plus vite mais en faisant plus de kilomètres. La logique maîtresse du GPE – et d’EOLE –, consiste à mailler le territoire par de nouvelles infrastructures très bien connectées entre elles et aux infrastructures existantes.

 

De quelle “soutenabilité” parle-t-on ?

François PRADILLON : S’agissant des missions d’AREP, l’enjeu consiste à faire en sorte que les infrastructures de transport et les bâtiments qui les entourent contribuent à l’objectif de neutralité carbone fixé à l’horizon 2050 par la Métropole du Grand Paris. Au-delà, où si l’on veut, en amont de cette date, les gares sur lesquelles nous accompagnons l’agence Duthilleul répondent aux grands principes de conception qui sont ceux d’AREP : une architecture bas carbone et un design écologique au service d’un urbanisme résilient. Chacune de ces gares a une approche contextuelle dans sa conception et épouse le territoire. Leur architecture est en relation directe avec la typologie et l’urbanité de la commune desservie tout en entrant en résonnance avec l’image de ligne du métro du Grand Paris, un véritable challenge à l’échelle de 68 gares.

Pour revenir précisément sur la neutralité carbone, AREP inscrit dorénavant l’urgence écologique au coeur de son agenda. Depuis un peu plus d’un an, le groupe SNCF a annoncé un objectif zéro carbone à l’horizon 2035. Pleinement alignés sur cette trajectoire, nous avons quinze ans pour concevoir à la fois des infrastructures et des bâtiments d’exploitation, des gares qui permettent à la SNCF d’atteindre cet objectif, en concevant et en mettant en oeuvre d’autres façons de faire appel aux matériaux sobres, en valorisant notamment le réemploi et les énergies renouvelables. Sous l’impulsion de notre nouveau Président Raphaël Ménard, AREP s’est ainsi orientée vers la conception d’une architecture frugale, bas carbone, construite autour de la démarche “EM2CB” permettant de mesurer l’atteinte des réponses de nos projets autour des cinq principaux enjeux que sont l’Énergie, la Matière, le Climat, le Carbone et la Biodiversité.

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Quelles sont les principales innovations mises en oeuvre par AREP pour le GPE ?

François PRADILLON : Toutes ces gares, conçues par l’agence Duthilleul, ont été mises par AREP sur maquette numérique dès 2012, à une époque où l’usage du BIM n’était pas aussi bien développé dans la maîtrise d’oeuvre. Aujourd’hui d’ailleurs, le BIM n’est pas encore toujours identifié s’agissant des infrastructures. Le parti pris d’AREP a consisté à intégrer la maquette numérique dès la phase études pour viser ensuite le BIM exploitation. Pour le bénéfice du maître d’ouvrage et, in fine, pour celui du voyageur : car si la maintenance est plus aisée, mieux réalisée et à moindre coût, on peut imaginer que le premier bénéficiaire en sera l’usager.
D’ailleurs, la pandémie de la Covid-19 a démontré comment le BIM a permis de maintenir la synchronisation de nos équipes à distance et de poursuivre efficacement nos études, chacun chez soi au plus fort du confinement. Sur des projets aussi complexes avec de nombreux acteurs de métiers différents, je ne suis pas sûr que l’efficacité aurait été la même si nous n’avions pas partagé ce support numérique.

Au plus fort de la crise sanitaire, AREP est aussi intervenu sur la signalétique d’urgence dans les gares. Plus généralement, quels impacts pensez-vous que cette crise sanitaire va avoir sur la conception des gares, des transports et la mobilité urbaine ?

François PRADILLON : L’une de ses conséquences est que nous allons être amenés à réfléchir autrement à la conception générale des gares et à leur résilience, mais c’est valable au regard des épisodes très particuliers dont nous constatons la forte augmentation depuis plusieurs années, qu’ils soient du type Covid ou liés au changement climatique. Par exemple, on peut imaginer, dans le cadre des connexions de certaines gares avec des pays étrangers, qu’il faille mettre en place certains équipements pour vigiler les aspects sanitaires. Nous avons traité dans l’urgence les impératifs de distanciation physique par des innovations signalétiques mais, au-delà, il s’agira d’adapter la densité de certains espaces de façon plus ou moins résiliente. Cela fait partie des réflexions qu’engage actuellement AREP avec la SNCF pour intégrer  ces sujets dans les projets futurs… et actualiser les projets en cours.

Photos : ©Getty Images 

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