Cityzoom : Lille : dynamisme, diversité, durabilité – Magazine Vertical
Trente ans après le lancement d’Eurallile, la quatrième agglomération française poursuit activement sa mue, forcément européenne à quelques encablures de ses voisines belges Courtrai et Tournai, et à une heure de TGV de Paris. Pour quelle identité urbaine ? Jean-Luc Leclercq, vice-président de la Maison de l’architecture des Hauts-de-France, a donné quelques éléments de réponse.
« En termes d’aménagement urbain, le programme Euralille, en 1993, a permis de mettre Lille et son agglomération sur la carte. Alors que la France était en pleine crise du bâtiment, il a créé une dynamique essentielle », rappelle Jean-Luc Leclercq. Presque trois décennies plus tard, ce qui est devenu le troisième quartier d’affaires en France reste emblématique du ressort d’une agglomération touchée de plein fouet par la crise industrielle et du dynamisme d’une Métropole européenne (MEL) d’aujourd’hui 95 communes et 1,2 million d’habitants, aux côtés d’autres pôles d’excellence nés dans son sillage – EuraTechnologies, EuraSanté, l’écoquartier Fives Cail, etc.
Autant de vitrines d’une transformation au long cours accompagnée par un ambitieux programme de renouvellement urbain initié en 2004, l’année de Lille Capitale européenne de la culture. « Ce rendez-vous clé a joué un rôle structurant, notamment en amplifiant la visibilité de la ville auprès de maîtres d’ouvrage nationaux et internationaux », poursuit l’architecte cofondateur de l’atelier BLAQ. « Il y a dix ans, toujours dans le domaine culturel, un projet comme celui du Louvre-Lens a aussi constitué un signal politique fort. On a parlé de Grand Lille alors qu’on ne parlait pas encore de Grand Paris. » Acté en décembre dernier, le Nouveau programme de renouvellement urbain de la métropole porte à vingt-et-un le nombre de quartiers impactés dans le long terme – « le temps nécessairement long à toute construction de la ville sur la ville », note Jean-Luc Leclercq.
Pour quelle identité ? Celle d’une « ville moyenne dense insérée au cœur d’une vaste métropole très agricole, qui a réussi sa transformation écologique », selon les mots du rapport d’activité 2019 de la municipalité sur « Le développement durable à Lille » ?
En 2019 précisément, la ville a échoué à la candidature de Capitale verte européenne en 2021. Mais dans certaines courses, franchir la ligne d’arrivée compte presque autant que monter sur le podium. Finaliste derrière la lauréate finlandaise, Lille a ainsi vu reconnaître un projet ancré dans une réalité multiple.
Le chemin vers la ville résiliente passe par les Agendas 21 et un plan climat, le développement d’écoquartiers, le label Cit’ergie (dès 2013, et renouvelé en 2019 pour quatre ans), des engagements dans des programmes européens, dont deux en tant que cheffe de file : le Sustainable Housing for Inclusive and Cohesive Cities, et MOLOC, qui porte sur la coopération pour des villes bas carbone. À ce titre, la ville a engagé des actions de terrain visant la diminution de 40% de ses émissions de GES à l’horizon 2030. Entre 2008 et 2018, plus de 15 000 logements ont été construits tout en préservant des espaces naturels et agricoles urbains, qui représentent 46% de la surface du territoire métropolitain.
Une Région durablement précurseur
En matière d’urbanisme et de construction durables, la Région en tant qu’entité territoriale a joué un rôle précurseur, se souvient Jean-Luc Leclercq. « S’il y a une période importante dans l’histoire architecturale de la région qui résonne particulièrement aujourd’hui, c’est le milieu des années 1990, avec le coup d’envoi donné à l’architecture durable par ce qui, à l’époque, est encore la Région Nord-Pas-de-Calais, présidée par une écologiste. En tant que maître d’ouvrage, elle a donné l’impulsion de la production des premiers lycées HQE en France. C’est le cas de celui de Caudry. Conçu sur un cahier des charges particulièrement exigeant, il est, à son inauguration en 1999, le deuxième lycée HQE de France. »
« Dès ces années-là, poursuit l’architecte, ne serait-ce que du fait de la conversion des friches industrielles sur Lille-Roubaix-Tourcoing, les programmes travaillent nécessairement la réversibilité des bâtiments, au sens où les réhabilitations opèrent la conversion des usages, du bureau vers des logements sociaux notamment. Cela a permis aux acteurs de la maîtrise d’œuvre et aux compétences associées dans ces projets de déployer un savoir-faire spécifique en la matière, voire de l’exporter en dehors de la région et de créer des échanges. Pendant quelques années, la région a ainsi eu un temps d’avance sur ces problématiques. Aujourd’hui, la métropole poursuit sa mutation dans la continuité de ce qui s’est mis en place à cette époque. »
« Promouvoir des visions complémentaires de la ville »
« Du littoral à la métropole lilloise au nord jusqu’à Amiens au sud en passant par ses centre-bourgs ruraux, la région des Hauts de-France présente des échelles très variées, extraordinairement diverses et tout à fait complémentaires. « Hébergée » par l’Ordre des architectes en plein cœur d’Amiens, la Maison de l’architecture reflète cette diversité en ambitionnant de rendre visibles toutes les architectures.
La crise sanitaire rend compliquée la tenue de nos actions mais nous espérons renouer dès que possible avec notamment un programme que nous menons depuis plusieurs années : l’accueil en résidence d’ artistes qui apportent leur vision complémentaire de la ville ; ce peut être un peintre et un architecte, un designer et un paysagiste… Il s’agit de promouvoir ces visions complémentaires et de sensibiliser au fait que l’architecture est partout, et que le paysage fait partie de l’architecture.
La Maison se veut aussi un lieu de rencontres des architectes, des maîtres d’ouvrage, des industriels et entreprises du bâtiment, des élus… Nous espérons pouvoir mener en 2021 le projet de faire témoigner un ancien, un architecte picard ayant travaillé en tant que designer sur la mythique DS, notamment ; un travail de mémoire qui montre qu’il peut y avoir de l’architecture dans un phare de voiture ! »
Jean-Luc Leclercq, vice-président de la Maison de l’architecture des Hauts-de-France.
Photos : ©GettyImages, ©Atelier BLAQ